Je suis un visiteur assidu des brocantes, foires à tout, vide greniers, réderies et autres. J’aime beaucoup leur atmosphère particulière et très pittoresque.
J’ai décidé, aujourd’hui, de vous brosser le portrait d’un brocanteur imaginaire issu de mes observations … une sorte de clone d’un ensemble de personnages rencontrés au hasard de mes pérégrinations.
Pierre Dupuis
Images du net
Préambule :
Je vais vous brosser le portrait
de quelqu’un de très atypique
et dont peut-être une réplique
vous est connue … à un poil près !
Pas trait pour trait exactement
mais une grande ressemblance,
qui ferait dire sans errance :
« C’est lui indubitablement ! »
Le poème:
Le broc,
Il était arrivé très tôt,
plus près de cinq que de six plombes,
de sa camionnette archicomble
il avait sortit les tréteaux.
Puis les tables et le barnum
aidé par un tout petit homme
coiffé d’un vieux chapeau difforme
sorti droit du capharnaüm !
Avec un incroyable allant
tout fut étalé sur les tables
dans un désordre inimitable
à deux doigts d’être du talent !
Cela débordait de partout,
il y avait là pêle-mêle
un râteau sans manche et trois pelles
des assiettes et des faitouts.
Un crucifix, des chapelets,
des écharpes et des dentelles,
un accordéon sans bretelle
et un portrait de chat pelé.
Un rasoir et son affûtoir,
un encrier en porcelaine,
quatorze pelotes de laine,
une truelle et un plantoir.
Une collection de tableaux
avec de vagues signatures,
une bassine à confiture,
une vielle ancre et un hublot.
Une poussette et un poussah,
un beau vase signé Lalique,
une étagère métallique
et un petit harmonica.
Pas de portrait de Monica
mais un beau râtelier à pipe,
un gros bouquin traitant d’Œdipe,
une boite à tapioca.
Quatre Tintin et un Titeuf,
six coquetiers avec soucoupes,
un coupe papier, une loupe
et un rideau pour œil de bœuf.
Des chiffons en veux-tu voila :
des robes et de lourds corsages,
des dessous de femmes pas sages
adeptes du grand tralala !
Un urinoir, un plat bassin,
un masque à gaz sans cartouche,
un éventail et des babouches,
un casque lourd de fantassin !
Une faucille et un croissant,
une pierre à faux dans sa corne,
un pendentif du capricorne,
trois bracelets fluorescents !
Une énorme pince à castrer,
un trocart de vétérinaire,
des poèmes d’Apollinaire,
un petit spot à encastrer !
Deux panetons de boulanger,
un gros chalumeau à propane
avec son tuyau et trois pannes,
un panneau « Attention danger ! » !
Une belle canne à pommeau,
des dominos et des béquilles,
un jeu de boules, un jeu de quilles,
un tablier et un plumeau !
Un lot de fers à repasser,
un napperon de table basse,
un bel archer de contrebasse
et un tapis fort encrassé !
Deux vieux chandeliers en étain,
une plaque de cheminée,
une perruque chiffonnée
pendant à un miroir sans tain !
Un cor de chasse sans embout,
un saxo et une trompette,
un piège à loup, une tapette
et un masque de marabout !
Un fusil et trois pistolets,
un sabre de cavalerie,
tout un lot de verroterie,
un baigneur désarticulé.
Trois tabourets et un hamac,
un tonneau avec tous ses cercles,
un pot de chambre sans couvercle,
une poupée gonflable en vrac.
Un vieil appareil à photo
avec son soufflet hors d’usage,
une batterie d’arrosage,
un téléphone à magnéto.
Une tête de mannequin
avec la moitié de son buste
à la poitrine très robuste
posée sur un tas de bouquins.
Des Larousse et des Robert
( cela faisait vraiment la paire ! )
« L’essai sur les mœurs » de Voltaire
et « La Bovary » de Flaubert.
Un uniforme de troupier
sans boutons mais … je vais me taire !
J’arrête-là mon inventaire
pour ne pas vous casser les pieds !
Un citoyen haut en couleur
… je parle de mon personnage
un peu plus vieux qu’entre deux âges,
plutôt taiseux que bateleur !
Un fin foulard autour du cou
juste pour protéger la gorge
et à la manière de Georges
une pipe de très bon goût.
Belle moustache et cheveux longs
coiffés d’un grand chapeau de feutre,
veste et pantalon des plus neutres,
souliers aux solides talons.
Des déplacements mesurés :
aucune fatigue inutile !
Pour résister il est utile
de savoir s’économiser !
Même chose pour le crachoir :
il préférait fermer sa bouche
pour écouter en fine mouche
et coller ça sous son mouchoir !
Regard profond, inquisiteur,
jusqu’à mettre un peu mal à l’aise,
puis le sourire qui apaise :
une performance d’acteur !
Il connaissait à fond le jeu,
mine de rien fin psychologue
ne démarrant un vrai dialogue
que quand il sentait un enjeu.
En bon et véritable broc
il fit le tour de la brocante
en se gratouillant les baccantes
devant un lustre et deux pébrocs !
Après les avoir marchandés
et obtenus de main de maître,
laissant un sourire apparaître
il alla se prendre un café.
S’installant confortablement
dans un fauteuil de toile épaisse
qui prenait bien soin de ses fesses
il attendit tranquillement.
Et ce fut le grand défilé,
une foule très bigarrée,
contacts francs ou simagrées
ponctués de propos éculés.
Dessous le masque il y avait
une jubilation palpable,
une maîtrise incontestable
quand il disait vrai ou mentait !
Pas de mensonges éhontés,
juste des arguments de vente
sans circonstances aggravantes :
du naturel sans coup monté !
Connaissant par cœur le chaland,
ses marottes, ses habitudes,
il flairait avec promptitude
le bon ou le mauvais client !
Parfois il tombait sur un bec :
un spécialiste de la chine !
La joute devenait divine,
valant son pesant de kopecks !
Cela se passait souvent bien
sans que l’un d’eux ne se chiffonne,
pas plus qu’il ne se déboutonne :
ils négociaient au prix moyen !
La journée se passa ainsi,
plus ou moins bien coté affaires
mais il n’en avait rien à faire
qu’il soit debout ou bien assis !
Il était là pour le plaisir,
pas du tout pour faire fortune,
il possédait assez de thunes
mais il aimait jouer au chiftir !
Quand il n’y eut plus de chaland
et aidé par le petit homme
qui sortait tout juste d’un somme
il remballa le bataclan !
Poignées de mains aux alentours :
on se connaît dans les brocantes !
Avec ou sans belles baccantes
on se souhaite un bon retour !
« A la prochaine les amis !
Si vous trouvez un gramophone
ne le refourguez à personne
sans que je ne l’ai vu … promis ?
Si vous croisez l’ami Pierrot,
dite-lui bien que j’ai sa table,
ce con a changé de portable
sans me filer son numéro !
Allez salut, gaffe aux poulets !
Avec eux pas de marchandage,
souvenez-vous du vieil adage :
« Profil bas et pas de caquet ! »
Epilogue :
Je vous ai brossé ce portrait
en utilisant ma mémoire
comme on sort d’une vieille armoire
des souvenirs plus ou moins frais.
Morceaux pris de bric et de broc,
formant un tout : ce personnage !
Ai-je réussi mon clonage ?
Ai-je bien enfanté mon broc ?
Ne me lorgnez pas de travers,
ce n’est le portrait de personne,
c’est bâti pour que juste sonne
cet inventaire à la Prévert !
Mais néanmoins … mais néanmoins,
si vous fréquentez les brocantes
et que vous croisez des baccantes
… c’est peut-être votre voisin !
Et si ce n’est pas aujourd’hui,
je suis certain qu’un jour ou l’autre
vous avez croisé cet apôtre
ou bien quelqu’un proche de lui !
Pierre Dupuis
Image du net
C’est vrai que voilà un inventaire assez complet et détaillé.
Mais n’est-ce point la camionnette de Louis la Brocante? Je pense bien…
Bonne soirée.
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Bonsoir Bernadette !
Je n’en suis pas certain mais elle lui ressemble beaucoup !
Très bonne soirée également !
Pierre
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